Nous aurions pu remonter au 20ème siècle avec le scandale de l’ARC, de sinistre mémoire en 1993, pour réaliser un tableau plus complet mais malheureusement nous avons suffisamment de matière au 21ème siècle comme vous allez pouvoir en juger.
Certes un certain nombre de livres ont fait état de ces pillages, notamment celui de Kaltenbach « Associations lucratives sans but » ou celui de Marc Reidiboym « Donateurs si vous saviez »… mais rien ne change car le pouvoir a été totalement confisqué aux adhérents et aux donateurs, avec la complicité des pouvoirs publics.
SPA : 15 années de procédures judiciaires enterrées.
À tout seigneur, tout honneur.
La SPA fondée en 1845, reconnue d’utilité publique en 1860, disposant en 2017 d’un budget annuel de l’ordre de 50 millions, employant 600 salariés, s’occupant de 58 refuges et 12 dispensaires, mérite d’être placée en première ligne à la fois par l’ampleur des détournements et la multiplication des procédures judiciaires inefficaces.
Plainte de 2002
Dès 2002 un collectif animé par le Docteur Bousquet et Madame Deal demeurant dans la région de Toulouse a déposé une plainte concernant l’utilisation de l’argent des legs par l’intermédiaire de Maître d’Ornano. Plainte prise très au sérieux et débouchant sur une information judiciaire conduite par le juge d’instruction Albert et confiée à l’OPJ Delestang.
La plainte de Caroline Lanty du 30 octobre 2008
Cette présidente alertée par des salariés du siège et inquiète par la perspective d’un nouveau rapport de la Cour des comptes a préféré prendre les devants pour se dédouaner en portant plainte pour abus de confiance en octobre 2008. Effectivement elle avait constaté que depuis quelques années plus d’une centaine de legs avaient été vendus à moitié prix ou même au quart du prix au même marchand de biens. Préjudice estimé au détriment de la SPA sur 15 legs : plus de 3 millions d’euros, soit au total plus de 20 millions sur une centaine de legs concernés. L’enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris est clôturée 3 ans plus tard (08/03/2011) par un classement sans suite pour « INFRACTION INSUFFISAMMENT CARACTERISEE ». cela signifierait-il que les enquêteurs n’aient rien trouvé ? Non bien au contraire car ils ont enquêté et trouvé beaucoup de choses, notamment que le marchand de biens avait fait circuler 350 470 euros en liquide sous l’œil bienveillant des banques concernées et dans l’ignorance de TRACFIN. Bizarre, vous avez dit bizarre ? pour expliquer ces achats bon marché, l’honorable commerçant a expliqué que les appartements étaient en mauvais état ou squattés. Sauf que par exemple le legs Bodier était revendu le jour même de l’achat 3 fois plus cher au nouvel acquéreur. Donc une argumentation totalement fantaisiste mais qui a convaincu manifestement les enquêteurs aux ordres. La seule vraie question qui reste sans réponse maintenant : quel est le véritable donneur d’ordre de ce classement sans suite ? Car une enquête où toutes les preuves sont réunies démontrant une escroquerie très habile ne peut être enterrée qu’à la suite d’ordres venus de très haut. Ce n’est pas grave honnêtes citoyens : pour compenser ces escroqueries l’Etat augmente vos impôts !
La plainte perdue de 2013
Compte tenu du manque de suivi de la part des dirigeants de la SPA, cette plainte était classée sans suite dans l’ignorance générale et seul un hasard malencontreux a permis la mise en lumière de cette enquête préliminaire. Avant l’A.G. du 23 juin 2012 l’adhérent Henri Barbe avait le malheur de distribuer un tract s’interrogeant sur le devenir de cette plainte. Une fois n’est pas coutume : la réponse de la SPA était ultra-rapide et très sèche. Ce trop curieux personnage était radié en toute illégalité par courrier du 27 juin 2012 pour avoir porté atteinte à l’honneur de la SPA. En fait personne ne le savait à l’époque, mais c’était le grain qui allait gripper la machine à escroqueries. Car la contestation de cette radiation scandaleuse au mépris des droits de la défense était portée – non pas devant une A.G. aux ordres – mais devant la juridiction civile du TGI de Paris. Et là énorme surprise : l’avocat de la SPA pour expliquer que les opposants voyaient des malversations là où il n’y en avait pas sortait de son chapeau le fameux PV de synthèse de l’enquête préliminaire justifiant le classement sans suite. Or si légalement cette plainte d’octobre 2008 était classée, toutes les investigations menées par les enquêteurs confirmaient bien l’escroquerie scandaleuse. A ce moment, devant l’inaction totale de tous les dirigeants de la SPA ayant succédé à Caroline Lanty, la VASPA (Vrais Amis de la SPA), association loi 1901, créée en 2009, prenait le relais et déposait plainte à son tour le 29/03/2013 et recevait le 22/04/2013 le récépissé du dépôt de plainte (n° parquet : 13 112 001242). Mais si une enquête préliminaire était de nouveau ouverte par le parquet de Paris, le doyen des juges d’instruction était saisi par la VASPA par une plainte avec constitution de partie civile le 26/03/2015 pour escroquerie en bande organisée. Le doyen répondait favorablement, fixait une consignation versée le 30/09/2015, encaissée par le régisseur des recettes le 23/10/2015. Plus de nouvelles pendant 1 an de toutes ces plaintes et soudain l’énorme surprise : par appel téléphonique du 17/10/2016 le TGI annonçait la perte complète du dossier, disparu sans laisser de traces.
Finalement, la VASPA qui a de bonnes archives renvoyait un nouveau dossier et le TGI de Paris nommait un juge d’instruction dont la première initiative était de classer cette plainte pour prescription en 2017. Bien évidemment comme les premiers détournements datent de 2004, que la Justice n’a rien fait de sérieux depuis, le plus simple c’est d’essayer d’enterrer ce dossier définitivement. Sauf que bien entendu les vrais amis des animaux ne sont absolument pas d’accord.
La Nouvelle plainte du 06/10/2015… classée sans suite elle aussi
Compte tenu des diverses révélations, notamment dans l’article du Canard Enchaîné du 11 décembre 2013, une plainte était déposée pour escroquerie en bande organisée, abus de confiance aggravé, corruption passive et trafic d’influence commis par des personnes exerçant une fonction publique. Plainte prise très au sérieux par le parquet de Paris qui ouvrait une enquête préliminaire. Mais le 4 avril 2017, la juge d’instruction en charge du dossier prenait une « Ordonnance de refus d’informer » conformément aux réquisitions du procureur, considérant que les faits étaient prescrits.
Bien entendu, nous ne partageons pas cette analyse et allons continuer à nous battre en tenant compte de l’argumentation développée par la Justice.
La Fondation Assistance aux Animaux épinglée par la Cour des comptes
En juillet 2016, la Cour des comptes publie un rapport accablant concernant cette fondation suite à une longue enquête.
La Cour des comptes a constaté énormément de dysfonctionnements qui l’amènent à demander le retrait de la reconnaissance d’utilité publique lui permettant de défiscaliser les legs et les dons et fait la déclaration de non-conformité ci-après :
» À l’examen des comptes d’emploi des ressources de la Fondation pour les exercices 2011 à 2014, la Cour atteste, en application des dispositions de l’article L. 111-8 du code des juridictions financières, que les dépenses engagées par la Fondation Assistance aux Animaux n’ont pas été conformes, pour ces exercices, aux objectifs poursuivis par l’appel à la générosité publique, pour les motifs suivants :
- la Fondation Assistance aux Animaux n’a pas porté à la connaissance des donateurs sa stratégie visant, selon les termes de ses dirigeants, à en faire à terme une structure pouvant vivre uniquement du revenu de son patrimoine. Cette stratégie l’a conduite, sur la période contrôlée, à consacrer près du quart des ressources issues de la générosité publique à l’acquisition d’immeubles de rapport et à l’accumulation de réserves financières, alors que les objectifs exposés dans les campagnes d’appels à dons ou à legs mettent uniquement en avant la nécessité de répondre aux besoins immédiats d’aide des animaux ;
- les défaillances constatées dans la construction du compte d’emploi des ressources et la rédaction de son annexe ne permettent pas aux donateurs d’être correctement informés de la réalité de l’emploi des ressources collectées grâce aux appels à la générosité publique. »
La Cour des comptes a fait cette déclaration après avoir constaté que :
- « l’information du conseil d’administration est lacunaire »
- « des situations de conflits d’intérêts ont été constatées » (administrateurs ou enfants d’administrateurs logés dans des biens de la Fondation)
- « des dépenses sans lien avec l’objet social ou sans justificatifs ont été effectuées » (en clair des détournements)
- « frais injustifiés ou disproportionnés »
Et pour couronner le tout :
- « une communication financière erronée »
Mais le 5 juin 2017, la Présidente de la Fondation Assistance aux Animaux » criait officiellement victoire :
« Le Secrétariat d’État chargé du Budget et des comptes publics nous enjoint de poursuivre nos efforts et ne modifie en rien notre statut, notre reconnaissance d’utilité publique et les avantages fiscaux que nous pouvons offrir à nos donateurs »
Certes cette décision du Secrétariat d’Etat peut paraître étonnante, compte tenu des constats de la Cour des comptes sauf pour les lecteurs du Canard Enchaîné qui cite le secrétaire général de la Fondation dans son numéro du 11 février 2015 :
« Gilbert Mouthon n’hésite pas à se vanter encore : « Cet été, nous avons été mis au courant du contrôle fiscal. J’ai appelé un de mes administrateurs, Bernard Gaudillère, pour qu’il intervienne auprès de l’agent. Ça a dérouillé ! » Le Gaudillère en question, élu PS de Paris et ex-premier adjoint aux finances de Delanoë, se trouve être, à Bercy, le grand chef du contrôle général des fondations. A ce titre, il siège dans celle de la famille Alessandri. Joint par « Le Canard » il admet : « J’ai appelé l’agent, mais pas pour lui dire de ne pas faire le contrôle fiscal. Je voulais juste vérifier si cet agent avait des relations étroites avec un employé de la fondation. » Pour l’instant, rien n’a attiré son attention… »
Bien entendu, ces deux interventions pourraient tomber sous le coup de l’article 432-11 du Code Pénal visant la corruption passive et le trafic d’influence.
Regrettons que, pour une fois, le Canard n’ait pas été aussi efficace que pour les emplois fictifs de la famille Fillon car le lendemain de l’article révélant ces faits, le parquet de Paris ouvrait une enquête préliminaire avec les conséquences que l’on connaît sur le devenir politique de François Fillon.
Des détournements généralisés
Malheureusement la protection animale n’a pas le monopole des dysfonctionnements. Tous les Français ont en mémoire le scandale de l’ARC de sinistre mémoire qui a duré des décennies. Actuellement, de nombreuses associations sont dans le collimateur de la Justice et des enquêtes sont en cours. Car plus les associations brassent d’argent, plus elles attirent les escrocs.
Ainsi les très graves irrégularités commises par des dirigeants de la Fédération française de tennis ont amené des clubs de tennis à demander et obtenir la désignation d’un mandataire ad hoc le 17 janvier 2017. Rappelons qu’il s’agit d’une fédération avec plus d’un million de licenciés.
Il était apparu qu’un vaste trafic de billets lié au tournoi de Roland Garros avait été organisé et que le président de l’époque, Jean Gachassin, en avait bénéficié. Comme d’habitude, il fallait évidemment que les organismes de tutelle ferment les yeux et jouent les aveugles : c’est ce qu’a fait le Ministère des sports avec une constance inébranlable.
En février 2017, l’Inspection générale de la jeunesse et des sports rend un rapport accablant concernant la Fédération française de taekwondo (53 000 licenciés). Car en 2015, des membres de cette association avaient porté plainte pour des malversations auprès du parquet de lyon. Le rapport ciblait « des méthodes laissant souvent de côté les obligations de transparence » (finalement on se croirait à la SPA).
Le 4 janvier 2017, c’était le procureur de la République de Limoges qui déclarait à l’AFP concernant la Fondation du patrimoine :
« Devant les révélations du site Mediapart, j’ai, comme je le fais toujours, attendu qu’une plainte soit déposée. Un mois s’est écoulé, et je considère désormais que cette plainte ne viendra pas. C’est très désagréable pour moi de constater que des infractions financières sérieuses ont été avancées et que personne n’a bougé. »
En clair, le délégué régional estimait pouvoir distraire pour lui et ses proches 10 % du million d’euros qu’il collectait par an dans le département. Beau pactole.